Regard sur la nouvelle stratégie du ministère du Tourisme du Québec et sur son moteur de croissance durable : la mobilisation des communautés locales autour du développement touristique.
Une nouvelle stratégie phare pour le Ministère
Le ministère du Tourisme du Québec a lancé récemment sa nouvelle Stratégie de croissance durable du tourisme 2025-2030. Il s’agit des principales orientations stratégiques du Ministère, à partir desquelles découlent plusieurs autres stratégies et plans d’action (voir liste ici).
Elle fait suite au Plan d’action pour un tourisme responsable et durable 2020-2025 qui marquait un nouveau virage pour l’industrie. L’objectif était d’accélérer la transition vers un tourisme responsable et durable en outillant les entreprises et les organisations touristiques. Le bilan n’a pas été communiqué mais selon mes observations, des actions ont été mises en place pour chacun des 13 objectifs.
Cette Stratégie peut être vue comme une nouvelle étape dans la « maturité » du développement durable du secteur. Elle consolide l’approche de tourisme responsable et durable en l’intégrant dans une vision plus globale de croissance.

Les communautés, le pilier du tourisme
Sans détailler ni résumer cette Stratégie, je voulais plutôt porter à votre attention une trame qui s’en dégage et qui ne semblait pas aussi présente dans leurs stratégies précédentes. Il s’agit de l’approche de développement territorial et communautaire, si l’on en juge par les mots clés les plus mentionnés (régions, communautés, concertation, acteurs et partenaires), par la vision de « Faire du Québec une destination touristique prospère et durable qui fait la fierté des gens d’ici » et par l’importance accordée aux travailleurs touristiques et aux communautés locales.
La Stratégie positionne le développement touristique comme une façon de contribuer à la vitalité des communautés et à l’occupation du territoire. Pour cela, Elle encourage le soutien de projets émanant des communautés, une approche ascendante (bottom-up), qui détonne avec l’approche descendante qu’on a l’habitude de voir (et faire) !
Voici donc une analyse de la nouvelle Stratégie du ministère du Tourisme du Québec par le prisme de l’ancrage communautaire (moyen utilisé) et de la vitalité régionale (objectif visé).
Approche d’intervention territoriale, intersectorielle et concertée
La Stratégie met en évidence que le développement doit se faire par les intervenants régionaux et locaux, grâce à la concertation et la collaboration de plusieurs forces vives : associations touristiques régionales et sectorielles, entreprises, milieu municipal, communautés locales. Le Ministère a un rôle clé de facilitateur, puisqu’il vise à davantage collaborer avec ses partenaires interministériels œuvrant en matière d’occupation et de vitalité des territoires pour faire connaître l’expertise des associations touristiques dans le développement socio-économique durable des territoires et des communautés.
La Stratégie souligne l’importance des partenariats intersectoriels en tant que levier de développement régional. Elle reconnaît que le tourisme est interrelié à d’autres secteurs, tels que la culture, le bioalimentaire, le transport, l’environnement et le développement territorial. En ce sens, renforcer les collaborations entre les acteurs touristiques et ceux d’autres domaines est essentiel pour assurer une gestion durable du tourisme, mais aussi pour améliorer la reconnaissance du rôle transversal du tourisme dans l’économie et la société québécoise. Pour cela, le ministère du Tourisme va par exemple accentuer sa collaboration avec le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.
Dans la dernière année, la région de biosphère Manicouagan Uapishka sur la Côte-Nord a été souvent donnée en exemple pour illustrer cette approche. Elle a adopté une gestion territoriale participative et adaptative avec les organisations présentes sur le territoire afin d’aborder de manière concertée le développement touristique et la préservation de l’environnement. Cela a permis de faciliter l’acceptabilité sociale du développement touristique et de prévenir les conflits d’usage.

Partenariats pour le soutien aux entreprises
Le Ministère mise également sur les mécanismes régionaux et locaux pour le soutien aux entreprises. En plus des programmes financiers pour les entreprises administrés par les associations touristiques (21 régionales et 12 sectorielles), le Ministère souhaite que ces dernières actualisent leur rôle dans l’accompagnement-conseil auprès des entreprises.
Il compte également sur l’écosystème de soutien du ministère de l’Économie et de l’Innovation, par son réseau accès PME qui offre un service d’accompagnement aux entrepreneurs via les MRC (regroupements de communes). L’objectif est de favoriser la prise en compte du tourisme dans le développement socio-économique local et orienter les entreprises touristiques.
De plus, une des orientations de la Stratégie se concentre sur la performance des entreprises et la vitalité de l’industrie, reconnaissant l’importance des modèles d’affaires ancrés localement et régionalement. À ce propos, le modèle d’économie sociale est de plus en plus valorisé dans l’industrie touristique, pour sa capacité à répondre aux besoins des collectivités, à contribuer à leur vitalité et à développer un tourisme en harmonie avec celles-ci (voir mon article sur le sujet : L’entrepreneuriat collectif en tourisme, un incontournable pour nos destinations ?).
Pour des communautés en harmonie avec le développement touristique
Le préambule de la Stratégie établit d’emblée une vision de l’écosystème touristique centré sur l’humain. En visant à faire du Québec une destination « prospère et durable qui fait la fierté des gens d’ici », elle reconnaît que le développement touristique doit d’abord être cohérent avec les aspirations des résidents. La Stratégie met ainsi de l’avant la qualité de vie, l’accessibilité et l’inclusivité comme fondements d’un tourisme porteur de sens. Elle insiste sur l’importance de l’acceptabilité sociale et de la cohabitation harmonieuse entre les visiteurs et les milieux d’accueil.
Elle introduit également la perspective régénératrice, invitant l’industrie à non seulement limiter ses impacts, mais aussi à contribuer activement à la revitalisation des lieux visités. Cela fait écho à l’approche adoptée par Destination Canada et par de plus en plus de DMO au pays (voir mon article sur le sujet : Prendre soin de sa destination : l’approche canadienne).
Un levier pour la vitalité des régions
L’appropriation du développement touristique par les communautés locales constitue l’un des piliers de la Stratégie. Jusqu’à présent, elles étaient considérées surtout dans une visée de « prendre soin d’elles » (leur générer des retombées économiques, minimiser les impacts du tourisme dans leur milieu, développer un tourisme respectueux des communautés, etc.). Cette Stratégie donne un nouveau ton, en considérant les communautés comme des actrices de changement pour la croissance durable du tourisme à l’échelle de la province.
Toutefois, une lacune demeure dans la Stratégie : l’absence d’indicateurs et de cibles pour mesurer les retombées dans les communautés au-delà de la dimension économique…
À l’heure où le tourisme est perçu comme un facteur de déséquilibre, l’industrie au Québec souhaite se positionner en tant que moteur d’occupation dynamique du territoire et de vitalité des régions. Il est donc temps de travailler hors silo et d’élargir notre écosystème afin de considérer le tourisme non plus comme une finalité, mais un moyen de vitaliser nos régions et développer des communautés où il fait bon vivre.
Les stratégies touristiques en France s’inscrivent-elles dans une logique similaire* ? Je suis curieuse de vous entendre sur le sujet !
*Si l’on se fie aux références documentaires mentionnées à l’Annexe 3 de la Stratégie, le ministère du Tourisme s’est inspiré de certains travaux de la France.
Image à la une : Station Uapishka
Sources :